4/05/2014
LEOPOLD II & LES CRITIQUES DE HOCHSCHILD
par Jean Stengels, Prof ULB
tiré du livre Congo, Mythes et réalités
Hochschild insiste effectivement sur le fait qu'il y a eu au Congo, avec des millions de morts, une tragédie comparable à celle de l'holocauste.
« Un holocauste oublié » est en tout cas une formule impossible à défendre. Si holocauste il y avait réellement eu, il aurait fallu dire « Un holocauste inconnu ».
A l'époque des faits, les critiques les plus virulents du régime de Léopold II au Congo n'ont jamais été jusqu'à évoquer un holocauste, ou son équivalent. Hochschild le fait, mais sur quelles bases ? (…) C'est ici que son analyse se révèle très insuffisante.
Mais l'auteur ne fait aucun effort pour localiser ces abus dans le temps et dans l'espace.
S'agissant de la chronologie, il y a même sous sa plume une erreur.
Joseph Conrad |
Or, si Conrad décrit les crimes d'un Européen désaxé, il ne peut s'attaquer au régime léopoldien, puisque les faits, dans "Au coeur des ténèbres", se situent en 1890.
A cette date, la récolte forcée du caoutchouc, source majeure des abus systématiques, n'avait pas encore débuté.
Ces abus, d'autre part, ne se sont pas étendus à l'ensemble du Congo : des distinctions géographiques, là, sont indispensables. Localisations dans le temps et localisations dans l'espace font de l'idée d'un « holocauste » dû à Léopold II, non pas une absurdité, mais simplement une impossibilité.
Si l'on parle non pas d'holocauste, mais d'abus et de crimes, ceux-ci ont-ils été "oubliés" ?
A l'époque, ils ont été dénoncés, non seulement en Angleterre mais en Belgique même.
On néglige trop facilement le fait que le réquisitoire le plus impitoyable contre le régime léopoldien a été dressé par un Belge qui n'était pas le premier venu : Félicien Cattier, professeur a l'Université de Bruxelles, qui deviendra par la suite président de l'Union minière.
L'Etude sur la situation de l'Etat Indépendant du Congo de Cattier - que M. Hochschild ne cite pas - date de 1906. Apres la parenthèse de l'entre-deux-guerres, toute à la glorification de Léopold II, des historiens, belges et étrangers, ont repris l'étude du sujet, dans un esprit d'indépendance. (...)
Je crois pouvoir dire que M. Hochschild n'a pas compris grand-chose à la personnalité du roi, dont le portrait qu'il trace est une caricature. Ce n’est pas une manière professionnelle d’écrire l’Histoire…
Mais c’est bien évidemment très lucratif, et pas fort correct, surtout vis-à-vis des vrais historiens.
Et de tous ceux qui y ont fait un boulot COLOSSAL!
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