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jeudi 26 septembre 2013

"La Saison de l'ombre"

Le Monde des Livres
Catherine Simon 
26.09.2013

de Léonora Miano
aux Editions Grasset

Comment imaginer le choc radical qu'a représenté, dans un village d'Afrique de l'Ouest du XVIIe siècle, le début de la traite transatlantique ? Comment se souvient-on de cet arrachement ? Par la littérature, répond l'étonnante Léonora Miano, femme noire, camerounaise (elle est née à Douala), française (elle vit à Paris) et, surtout, formidable écrivain, à la prose grave et lumineuse. Mais attention, prévient-elle, lors d'un entretien téléphonique avec "Le Monde des livres" : "Les romans parlent d'abord de ceux qui les écrivent..." 

La Saison de l'ombre, son septième roman, commence après l'attaque et l'incendie des habitations des Mulongo, un clan imaginaire, qui vit à l'intérieur des terres. Douze hommes ont disparu lors de cette agression éclair, totalement incompréhensible. Comment se figurer les bateaux négriers quand on n'a jamais vu la mer ni affronté l'impensable arrogance des "étrangers aux pieds de poule", ces Européens dépêchés sur les côtes africaines pour bourrer les voiliers de bétail humain ? Le premier réflexe du conseil des (vieux) notables est de placer en quarantaine les femmes, "dont les fils n'ont pas été retrouvés" : comme si elles y étaient pour quelque chose... 


Contre cet aveuglement, ils sont pourtant plusieurs à se dresser : tandis que le jeune chef, Mukano, bravant l'avis des anciens, part à la recherche des disparus, la silencieuse Eyabe prend la route, elle aussi, violant la coutume ; elle marche, seule, jusqu'à l'océan – où elle découvrira le fin mot des razzias négrières. Restée au village, la vieille Ebeise, accoucheuse en titre, observatrice hors de pair, est la troisième grande voix du récit. 

Après "Les Aubes écarlates" (Plon, 2009), qui évoquait déjà les "disparus" de la traite, "La Saison de l'ombre" donne le premier rôle au petit peuple des broussards, "ceux dont on ne dit jamais rien", comme les a désignés l'auteur, en 2011, dans un discours prononcé au Brésil, publié dans Habiter la frontière (L'Arche, 2012). 
"Lorsqu'on parle de ce qu'a été le trafic négrier pour l'Afrique, soulignait alors Léonora Miano, on oublie ces millions d'anonymes à qui quelqu'un a été arraché. Les mères. Les promises. Les fiancés. Les frères (...). Tout est devenu tellement abstrait qu'on ne semble plus se souvenir que c'est sur des êtres humains que cette horreur a fondu." Egalement effacés : ceux qui, sur place, ont résisté – mais se voient "passés sous silence parce qu'ils ont perdu la bataille" ou peut-être, ajoutait la romancière, parce que les reconnaître contredirait la "présentation fallacieuse" de l'Histoire, qui veut que les Africains (en général) aient vendu leurs frères aux étrangers. De tous ces "invisibles", l'humanité est ici restituée. 

SALAUDS, HÉROS ET TÉMOINS SILENCIEUX
Qu'il y ait eu collaboration de certains autochtones, roitelets ou chefs de clan, Léonora Miano ne le nie pas : La Saison de l'ombre met en scène "indignés" et "collabos" – comme on ne disait pas à l'époque – en montrant, c'est là sa force, la façon dont un système fabrique, à l'échelle d'un village et d'un bout de côte africaine, sa propre hiérarchie de salauds, de héros, de témoins silencieux : un monde où se côtoient ceux qui ont "combattu l'oppression" et ceux qui ont "su lui survivre". 

Les Bwélé et les Côtiers, tribus félonnes de La Saison de l'ombre, fournissent en captifs les marins négriers, en échange de fusils, de bijoux ou d'étoffes : ils sont décrits sans complaisance. Ce sujet, toujours délicat, a été abordé, rappelle Léonora Miano, dans Les Murailles de terre (Robert Laffont, 1984), premier des deux tomes de Ségou, roman pionnier de Maryse Condé. Plus récemment, Humus, de Fabienne Kanor (Gallimard, 2006), Esclaves, de Kangni Alem (JC Lattès, 2009), ont creusé le sillon. 

Il n'empêche : la traite transatlantique est "un motif, mais pas un sujet" pour la plupart des écrivains subsahariens, constate Léonora Miano. Un rapport bien peu littéraire, intitulé La Mémoire de la capture, rédigé en 1997 après une mission au Bénin pour le compte de l'Unesco et de la Société africaine de culture, est à l'origine, en partie, de La Saison de l'ombre, indique le romancière, lectrice éclectique, que les non-dits des sociétés ont toujours intriguée. 

Leonora Miano - David Balicki pour Le Monde
En France depuis 1991, l'auteur de Contours du jour qui vient (Prix Goncourt des lycéens, Plon, 2006), signe, avec "La Saison de l'ombre", un texte splendide et puissant. 
Qui parle de l'Afrique mais qui, surtout, s'adresse à elle. 
Les ancêtres ne sont "pas hors de soi, mais en soi" : ils résident "là où se trouve leur descendance", dit un personnage, à la fin du roman. 

Léonora Miano ne cache pas sa fascination pour la grande communauté bantoue – "un fantasme", s'amuse-t-elle. 
Quelle que soit leur origine, les humains doivent connaître les chemins d'où ils viennent, y compris les moins glorieux, répète, de livre en livre, l'intrépide écrivain. 


Sa voix, l'une des plus fortes de sa génération, devrait résonner de Paris à Douala – et voyager bien au-delà.

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