06.11.2014
Par Caroline Félix
Sylvie Brunel, professeur de géographie et écrivain, à Paris, le 14 octobre 2009. AFP Olivier Laban-Mattei |
L’Afrique est désormais présentée comme le continent du décollage économique, le réservoir démographique et énergétique de demain. Un « afroptimisme » forgé au gré des rapports stratégiques, études prospectives et articles enthousiastes qui exhortent politiques et entreprises à se tourner vers le continent noir.
Mais ce développement est-il durable, et saura-t-il bénéficier aux milliers de pauvres qui peuplent encore l’Afrique ? C’est la question que pose Sylvie Brunel, géographe, économiste, spécialiste des questions de développement et ancienne présidente d’Action contre la faim.
L’Afrique connaît depuis 2000 un taux de croissance supérieur à 5 %. A ce chiffre, elle en oppose d’autres : un tiers des pauvres de la planète vit en Afrique subsaharienne contre un cinquième en 1990, et l’Afrique ne représente que 1,6 % du produit intérieur brut mondial. Et elle rappelle que la croissance repose sur une série de mannes (pétrole, potassium, etc.) peu pourvoyeuse d’emplois. « La croissance, ce n’est pas le développement », résume-t-elle.
Les Africains constitueront en 2050 un marché de 2,5 milliards de consommateurs, le premier mondial. Mais l’explosion démographique africaine est décrite comme une arme à double tranchant : plutôt que de se contenter d’adopter les habitudes consuméristes de la classe moyenne, la jeunesse africaine pourrait « propager une révolution interne » comme c’est le cas aujourd’hui dans certains pays du Sahel.
En cause, les inégalités qui se creusent et les gouvernements qui, faute de bien répartir l’immense manne des investissements chinois, français et américains, et les 50 milliards de dollars d’aides publiques annuels, renforcent l’instabilité.
Malgré ce constat alarmiste, des certitudes : l’Afrique est riche, et il n’y a aucune raison que cela ne profite pas au plus grand nombre.
Dans son épilogue, la géographe cite la présidente de la Commission de l’Union africaine, Nkosazana Dlamini-Zuma : « Il faut trouver des solutions africaines aux problèmes africains. »
Ce sont les Etats qui détiendraient alors la clé du développement, et non les ONG étrangères ou les partenaires extérieurs. A l’image de ce qui se fait en Ethiopie ou au Rwanda, les gouvernements doivent s’appuyer sur leurs communautés rurales jusqu’à présent négligées. Elles seront alors le moteur du décollage durable de l’Afrique, car elles représentent deux tiers de la population et pourraient, grâce à une bonne gestion gouvernementale, rentabiliser les 60 % de terres arables mondiales non exploitées.
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