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jeudi 26 juin 2014

« Meursault, contre-enquête » : Kamel Daoud double Camus (Editions Actes Sud)

Le Monde des Livres
25/06/2014
Macha Séry
Journaliste au Monde

Dans « Meursault, contre-enquête »,
l'écrivain algérien Kamel Daoud
livre un récit en contrepoint
au chef-d'œuvre du Prix Nobel.
| ALINE BUREAU
De Maïssa Bey à Boualem Sansal, de Yahia Belaskri à Salah Guemriche, Albert Camus ne cesse de hanter la littérature algérienne contemporaine. Tantôt comme mentor et figure tutélaire, tantôt comme repoussoir. Dans "L’Etranger", son chef-d’œuvre publié en 1942, Meursault tue un Arabe sur une plage d’Alger. Pour cela, il sera jugé. Mais ce n’est pas vraiment pour ce crime qu’il sera condamné à mort. A peine celui-ci sera-t-il évoqué lors de son procès. Au reste, on ne connaîtra pas le nom de la victime, vingt-cinq fois désignée par le terme d’« Arabe ». 

Cet angle mort dans "L’Etranger", et plus largement l’absence d’« indigènes » dans l’œuvre d’Albert Camus, ainsi que ses prises de position pendant la guerre d’Algérie – mort en janvier 1960, soit un an avant le référendum d’autodétermination de ­l’Algérie, il prônait une alliance fédérale – valent aujourd’hui au Prix Nobel un culte ambivalent de l’autre côté de la Méditerranée. Comment l’amoureux fou de cette terre, l’enfant du pays qui se sentit en exil dès lors qu’il fut contraint d’en partir en 1940, a-t-il pu ainsi reléguer dans l’ombre le véritable opprimé, au point de lui confisquer son identité ? 

DONNER UN NOM À « L'ARABE » 
Jamais le nom de Camus n’est prononcé dans Meursault, contre-enquête, le superbe roman de Kamel Daoud qui, aujourd’hui, répond à L’Etranger et le prolonge. Le livre y est attribué à l’assassin lui-même, Meursault, qui l’aurait écrit à sa sortie de prison. Comme s’il s’agissait d’une histoire vraie, comme si la fiction avait contaminé le réel au point de s’y substituer. Quel plus beau tribut à la littérature ? 

Afin que « l’Arabe » ne soit plus une simple utilité romanesque, l’auteur lui donne un nom pour sépulture : Moussa Ouled El-Assasse. Le jeune homme, peu loquace, possédait un corps maigre et noueux, un visage anguleux à moitié mangé par une barbe. Que faisait-il ce jour-là, allongé sur le sable, lorsque Meursault a croisé son chemin ? Son frère cadet, le narrateur de Meursault, contre-enquête l’ignore, malgré ses tentatives de reconstitution. Toute sa vie, Haroun a vécu dans le deuil de son aîné, au côté d’une mère assoiffée de vengeance. Au soir de son existence, pareillement à Jean-Baptiste Clamence, le juge pénitent de "La Chute" (1956), l’homme se confesse dans un bar : un long monologue proféré devant un prétendu « universitaire ». C’est, ni plus ni moins, une oreille. La nôtre, à l’écoute d’un homme désabusé, prompt à digresser et à remâcher ses souvenirs. Peut-être n’est-il qu’un alcoolique mythomane. L’intéressé, au reste, n’écarte pas cette hypothèse. L’habitué du bar invoque, en effet, à plusieurs reprises, le « fantôme de la bouteille ». 

IMPLACABLEMENT LUCIDE 
Inversant la perspective dès l’incipit (« Aujourdhui, M’ma est encore vivante »), le récit de Kamel Daoud constitue en quelque sorte le hors-champ de "L’Etranger" et son double en miroir. Car Haroun est aussi implacablement lucide que l’était Meursault. Sa mère, qui lui préférait son frère, lui a toujours témoigné méfiance et indifférence. Et, comme Meursault, Haroun a commis un crime sans réel motif. Il avait 27 ans, c’était le 5 juillet 1962, jour de l’indépendance, la guerre venait de prendre fin, et son geste manquait de sens aux yeux des autorités. La faute de ce « roumi », cet « Européen », désigné comme victime expiatoire par sa mère ? Il rentrait tous les jours de la plage, à 14 heures – l’heure du meurtre de l’Arabe –, heureux et insouciant. « Oui, j’ai tué Joseph parce qu’il fallait faire contrepoids à l’absurde de notre situation. » Visité par un imam en prison, Haroun, qui « déteste les religions et la soumission », prononce, quasiment au mot près, la diatribe qu’adressait Meursault à l’aumônier. Il finit donc par lui ressembler trait pour trait. 

Kamel Daoud
Il en va de même pour Albert Camus et Kamel Daoud. Lui aussi romancier et journaliste, le second tient, depuis dix-sept ans, une chronique politique féroce à l’égard de Bouteflika dans "Le Quotidien d’Oran". Sa langue, à la fois classique et neuve par ses métaphores, dense et sensorielle, admirable de clarté et de mystère mêlés, rappelle, sans le copier toutefois, le style d’Albert Camus. 

Comme le gamin de Belcourt, Kamel Daoud est né dans une famille où personne ne savait lire. C’est seul qu’il a appris la langue française, seul enfant encore de sa fratrie à avoir suivi des études supérieures. « Une langue se boit et se parle, et un jour elle vous possède ; alors, elle prend l’habitude de saisir les choses à votre place, elle s’empare de la bouche comme le fait le couple dans le baiser vorace », dit Haroun, le narrateur. Voilà comment écrit Kamel Daoud : magnifiquement. Après Minotaure 504 (Sabine Wespieser, 2011), recueil de quatre nouvelles sur la condition humaine en Algérie, son premier roman frappe par son ambiguïté morale et de désespoir politique. A l’avenir, "L’Etranger" et "Meursault", contre-enquête se liront tel un diptyque.

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