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jeudi 10 avril 2014

Les enfants du Rwanda

Angelique Umugwaneza, Peder Fuglsang
Editions Gaïa

Le 18 août 1994 à 5 heures, nous avons pris la route. La frontière avec le Zaïre était à cent cinquante kilomètres. Maman disait qu'il nous faudrait tout au plus trois jours pour arriver. 

C'était peu réaliste, mais j'avais treize ans, qu'en savais-je ? 
Elle voulait, je crois, nous donner le courage de faire ce qu'elle estimait nécessaire. 

Nous devions marcher jour et nuit. Sortir du Rwanda avant que les Français ne se retirent du pays. C'était dur. Nous n'arrêtions pas de marcher. Vers le soir nous sommes arrivés à Kitabi, où nous devions passer la nuit, le dernier village avant la grande forêt de Nyungwe. 

Traverser la forêt en voiture prenait une heure, disait maman, mais combien de temps faudrait-il à pied, personne ne le savait.



Angelique Umugwaneza est née en 1980 au Rwanda. 
En 2001, elle obtient l'asile au Danemark après sept années de fuite, durant lesquelles elle a séjourné dans des camps de réfugiés en République démocratique du Congo et en République centrafricaine. 
Après des études en sciences politiques à l'Université d'Aarhus, elle a occupé différents postes au sein du Conseil Danois pour les Réfugiés (DRC) en République centrafricaine, où elle travaille encore actuellement. (Africultures)

Interview de Angélique Umugwaneza par RFI le 28 février 2014 - Christophe Boisbouvier
«Tout ce que voulait ma maman, c'est d'emmener ses enfants à un endroit où il y avait plus de sécurité. Il fallait survivre. Elle a beaucoup essayé, malheureusement elle n'a pas pu.» 

C'est un livre coup de poing. Il s'appelle Les enfants du Rwanda et sort aux éditions Gaïa. En 1994, après la victoire militaire du FPR (Front patriotique rwandais), une jeune femme rwandaise se réfugie au Congo-Kinshasa, comme des centaines de milliers de ses compatriotes. Trois ans plus tard, pour fuir la guerre, elle marche pendant six mois à travers la forêt. Une marche de la mort. Seuls les plus forts - quelques milliers - arriveront vivants au Congo-Brazzaville. Angélique Umugwaneza* avait 17 ans à l'époque. Aujourd'hui, elle témoigne. 

RFI : Février 1997. La guerre fait rage au Congo-Kinshasa. Vous fuyez devant l’avancée des rebelles pro-Kabila et du FPR. Au camp de Tingi-Tingi, vous êtes 300 000. La commissaire européenne Emma Bonino et la patronne du HCR (Haut Commissariat aux réfugiés), la Japonaise Sadako Ogata, viennent vous voir. Elles vous proposent de rentrer au Rwanda, vous refusez

Angélique Umugwaneza : Pour nous, nous demander de rentrer c’était comme s’il nous invitait à aller subir quelque chose de terrible. Et donc il y a des familles qui ont été à Tingi-Tingi, qui sont rentrées, mais qui ne sont pas complètes. 

Après le départ de Tingi-Tingi vers l’ouest, vous savez que vous avez 2 000 kilomètres de marche devant vous pour atteindre ce que vous appelez la terre promise, le Congo-Brazzaville. Et ces 2 000 kilomètres, ça dure six mois. C’est l’enfer. Quand on lit votre livre c’est la marche de la mort, des centaines de cadavres le long des routes. La véritable héroïne de votre livre, c’est votre maman
Merci, oui. Tout ce qu’elle voulait c’était amener ses enfants quelque part dans un endroit avec un peu de sécurité. 

Vous êtes deux frères, deux sœurs et votre maman
Oui, et il faut survivre. Et on a commencé. On était d’accord pour braver ce chemin, tenter. Et je pense qu’elle a essayé aussi. Elle a beaucoup essayé, mais bon, elle n’a pas pu finalement. Elle a dû céder. 

On est à mi-chemin, il faut contourner Buende, une ville tenue par les rebelles et le FPR. Il faut marcher dans les collines au-dessus de la ville. Et là, elle ne va pas tenir
Elle n’a pas pu tenir. Au commencement on était toute une foule, des centaines de milliers de gens qui marchaient dans la profondeur des forêts. Il y a beaucoup de gens qui sont morts de la fatigue, de maladies non soignées, de la faim. 

La faim c’est vraiment le problème quotidien. Il faut trouver des racines de manioc pour survivre. 
C’est tout ce qu’on mangeait. On n’avait que ces racines de manioc. Et il y avait une population locale à qui appartenaient ces choses et qui n’étaient pas vraiment pour. 

Il y a eu des affrontements entre les villageois et vous. Et puis il y a bien sûr l’avancée des rebelles et du FPR. Et certains d’entre vous sont tués en chemin
Voilà, c’est ça aussi l’une des causes. Parce que oui, il y avait ces poursuites qui se terminaient par des massacres. Donc on mourrait de tout. Soit on était tués soit on mourrait parce qu’on avait faim. 

Quand on lit votre livre on s’aperçoit que quand on a moins de dix ans ou plus de cinquante ans, on ne survit pas pendant cette marche. 
Oui. Par exemple Buende que vous avez mentionné, quand on y est arrivé ça se voyait qu’il y avait eu des massacres. Moi je me rappelle d’un corps particulier, comme si on avait enlevé sa peau. 

Ecorché. 
Ecorché, voilà. Et quand j’ai vu ça, j’ai regardé longtemps en me posant des questions : mais qui a fait ça, franchement ? Qui peut aller jusque là en termes d’atrocité ? Moi j’avais même abandonné l’idée de pouvoir continuer. Je savais que pour moi c’était la fin. 

Et qu’est-ce qui vous a donné la force de survivre à tout ça ? 
Franchement, je dois dire qu’au moins trois fois j’ai abandonné. Trois fois je me suis dit : Ok, maintenant c’est la fin. Je ne croyais pas que j’allais me lever encore et continuer. Et puis, en fait, ça ne se passait pas, on se levait et puis on continuait.

Vous avez eu un ange gardien ? 
C’est très abstrait, ange gardien ! Moi, je suis née dans une famille catholique. Et même quand on entrait dans les forêts on faisait notre prière ensemble tout le temps. Mais à un certain moment aussi, c’est devenu exigeant de prier. On n’avait pas de force et en plus ce Dieu que tu as prié un million de fois, tu n’arrives plus à le voir dans tout ça. Il est où ? 

Donc, en fait, c’est une force que vous avez trouvée en vous-même ? 
J’avais cette responsabilité pour ma famille aussi, de faire en sorte qu’on ait un peu à manger. J’étais parmi ceux qui partaient piller le manioc des autres. Et quand ma maman est partie, j’étais la seule à assurer que ça marche. C’était difficile parce que je n’avais plus de force. Et puis il y a mon grand frère qui s’en va aussi. Et puis voilà… On est trois. Moi, mon petit frère et ma petite sœur. Et on doit continuer. Et j’essaie et je le perds aussi. Mais j’ai toujours ma petite sœur. Et on doit continuer à essayer. Et on a essayé. Avec nous deux, ça a marché. Donc j’avais une responsabilité. 

Il fallait sauver la petite sœur. 
Voilà. 

Goretti. 
C’est Goretti, oui. 

C’est peut-être elle qui vous a sauvée. 
C’est possible. Si elle aussi, elle était partie, peut-être que ça serait devenu, disons, pas important de continuer. 

Si elle était partie elle aussi, vous n’auriez peut-être pas continué. 
C’est possible, c’est possible... 

Si vous avez été livrés à vous-même pendant ces six mois c’est parce que vous étiez considérés comme des génocidaires. 
Je pense que c’est çaJe pense qu’il y a eu cette tendance à considérer les Hutus au Congo, les Hutus en général, comme des génocidaires, juste parce qu’on avait refusé de rentrer. Donc on nous reprochait peut-être l’implication dans le génocide. 

Et de fait il y avait des génocidaires puisque vous racontez que dans un des camps où vous étiez, dans l’est du Congo, avant votre fuite éperdue, il y avait un prêtre qui vous disait : « Tuer un Tutsi n’est pas un pêché. Il est donc inutile de se confesser de ce crime ». 
Il y avait des génocidaires parmi nous et je pense que ce serait même stupide de le nier. Et il y avait ces gens-là qui avaient fait des choses terribles et qui avaient fui avec la grande masse. Ils étaient parmi nous. Ça c’est sûr. Donc voilà, on a été amalgamés à ces gens-là et on a considéré tout le groupe, des enfants, des femmes, des vieillards comme des génocidaires à qui il fallait offrir cette mort là et c’est tout.

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