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mercredi 23 octobre 2013

Le général Dumas, vie héroïque

LE MONDE DES LIVRES.fr 
Marc Weitzmann 
23/10/2013

Le général Dumas combattant les Autrichiens, gravure du "Petit Journal", 1912. 


Qu'est-ce que l'honneur ? Et qu'est-ce que la trahison ? Thomas-Alexandre Dumas, le père du romancier dont l'oeuvre est hanté par ce genre de questions, était un mulâtre né en 1762 à Saint-Domingue d'une esclave et d'un aristocrate déclassé. A Paris, où il avait appris l'épée des mains du chevalier de Saint-Georges (lui-même sang-mêlé), il consacra sa vie aux idéaux républicains. Simple cavalier devenu général – le premier d'origine antillaise –, un temps commandant de la "Légion noire" composée de mulâtres et d'anciens esclaves, il se distingua en prenant le Mont-Cenis, avant d'être placé à la tête de l'armée de l'Ouest, en Vendée, où sa campagne contre les massacres perpétrés par son propre camp lui valut le surnom de "Monsieur de l'Humanité". C'était, en bref, l'une des personnalités les plus remarquables issues de la tourmente révolutionnaire.

A sa mort, pourtant, le 28 février 1806, disgracié, ruiné et malade, ceux qui se souvenaient de lui n'étaient déjà plus si nombreux. Une statue de bronze érigée à son effigie place Malesherbe, à Paris, en 1890, jamais inaugurée, resta voilée jusqu'en 1913. Avant que les nazis ne la fondent trente ans plus tard pour en récupérer le métal. 

Je tire ces informations de "Dumas, le comte noir", la remarquable et poignante biographie que lui consacre l'Américain Tom Reiss. Prix Pulitzer 2012 pour la non-fiction, l'ouvrage est le fruit de six années d'enquête minutieuse qui ont mené son auteur d'Haïti en Egypte, et de l'Italie à Paris et Villers-Cotterêts – ville où s'était installé le général, où naquit Alexandre Dumas et où, dans des conditions hautement "dumasiennes" qu'il raconte en prologue, Reiss a déniché de nombreux documents inédits signés de la main du "comte noir". 

DISCRÈTEMENT SUBJECTIF 
Mais le livre est bien plus que le récit historique et captivant, "à l'américaine", d'une vie dont les péripéties rempliraient à elles seules plusieurs romans d'Alexandre Dumas. C'est un objet littéraire à part entière, empathique, et discrètement subjectif, aussi : Reiss précise avoir découvert Dumas avec l'exemplaire du Comte de Monte-Cristo, dans lequel sa mère, enfant cachée en France sous l'Occupation, avait trouvé un soutien moral. D'une époque l'autre, Reiss nous offre une méditation inédite sur la fabrique de l'identité française toujours en cours. Le Comte noir est l'histoire d'un homme qui voulut transcender par la gloire et l'engagement la violence de ses origines, et à qui cette gloire fut retirée. La violence en question est, bien sûr, celle de la société esclavagiste de Saint-Domingue, mais l'une des vertus du livre est de prendre à contre-pied la plupart des lieux communs sur le sujet. Ainsi Reiss montre-t-il comment, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, en dépit du Code noir, l'Ancien Régime, alors sous l'influence des Lumières, encourageait le développement d'une société que l'on dirait aujourd'hui "multiculturelle" dans les Antilles françaises – lesquelles étaient devenues, en partie de ce fait, les centres culturels et cosmopolites de tout le Nouveau Monde. Lieu par excellence de l'échange de places et du jeu identitaire, le théâtre y jouait un rôle fondamental : entre 1761 et 1791, pas moins de trois cents pièces furent données sur la seule île de Saint-Domingue, où se croisaient des acteurs de toutes nationalités, mais aussi nombre d'esclaves affranchis ou de mulâtres issus d'unions mixtes et propulsés sur la scène au rang de superstars. (Molière semble avoir été un auteur prisé, et Reiss note que l'on trouve encore de nos jours, dans le vaudou haïtien, des traces de la commedia dell'arte). 

"Dumas, le comte noir" suit son objet depuis sa jeunesse sous les arcanes du Palais-Royal, alors le centre intellectuel de Paris, jusqu'à son engagement dans l'armée révolutionnaire, où il connaîtra tour à tour la gloire puis la ruine, dans une France que Reiss montre à l'avant-garde sur les questions raciales mais, justement pour cela peut-être, capable des pires trahisons à l'égard de ses propres idéaux. 

Rien n'illustre mieux cette ambivalence que la place très particulière occupée alors par les mulâtres, ces "nouveaux Blancs" créés par la Révolution, ainsi qu'ils se définissent eux-mêmes, comme si l'adhésion à l'idéal universaliste avait eu pour effet de les "dépigmenter" en quelque sorte. A quel prix ? 

L'aspect le plus poignant du livre est là, dans cette équation intime menant au désastre un homme en qui chacun s'accorde à voir un héros – l'un des seuls, aussi, à avoir connu dans sa chair, fût-ce brièvement, la réalité du servage. Il y a chez le général Dumas, dans sa force même, une faille de caractère, un doute, que son fils utilisera plus tard pour modeler ses plus célèbres personnages. Il paye sa probité – d'aucuns diraient sa candeur politique – d'une extrême susceptibilité. Lui aussi, à l'instar du d'Artagnan décrit par Dumas, voit dans "chaque sourire une insulte, et dans chaque regard une provocation". La manie des duels, l'absence de tout talent pour l'esprit de cour, un don certain pour se faire des ennemis vont de pair avec des crises de découragement, de plus en plus fréquentes à mesure qu'il voit le général Bonaparte s'élever en s'assurant les bonnes grâces de l'état-major, à grand renfort de cadeaux et de flatteries auxquels lui-même se refuse avec orgueil. 

L'HOSTILITÉ DE L'EMPEREUR 
Certains, dirait-on, n'ont pas le choix de leur noblesse d'âme – c'est là leur limite et leur tragédie. Bonaparte, qui se méfiait du général, mais l'avait tout de même enrôlé dans sa campagne d'Egypte, semble avoir eu l'intuition de cette impasse lorsque, le laissant à sa demande quitter Le Caire, il s'écria : "Qu'il porte ailleurs le délire de son républicanisme et ses furies passagères." Cet ailleurs, malheureusement, une fois Dumas tombé aux mains des troupes italiennes contre-révolutionnaires, fut un donjon napolitain où il passa trois ans, qui lui ruina la santé et d'où Napoléon, devenu consul, ne fit rien pour le libérer. Après son retour, le même Napoléon lui refusa aussi la Légion d'honneur, distinction méritocratique qu'il venait de créer – un an avant de rétablir définitivement l'esclavage. 

Condamnée à la misère, sa veuve, Marie-Louise, finit par ouvrir un bar-tabac à Villers-Cotterêts. Son fils, quant à lui, se vit refuser toute bourse d'études et ne fut admis dans aucun établissement secondaire. L'hostilité de l'empereur pour son père s'était "étendue jusqu'à moi", devait-il écrire. Il se vengea comme seuls les écrivains savent le faire : par ses livres devenus, eux, universels. 

Dumas, le comte noir (The Black Count. Glory, Revolution, Betrayal, and the Real Count of Monte Cristo), de Tom Reiss, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Isabelle D. Taudière et Lucile Débrosse, Flammarion

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